Teodor Axentowicz, Ambassade polonaise auprès d'Henri de Valois, vers 1910, Musée national de Varsovie

France-Pologne : regards croisés

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Voici le premier article de mon blog, dont l’objectif est de diffuser les résultats de mes recherches. Celles-ci concernent l’histoire de la France et de la Pologne et de leurs relations réciproques, en particulier aux XVIe-XVIIIe siècles et dans le domaine de la pensée politique.

Les relations franco-polonaises à l’époque moderne

Les contacts entre Français et Polonais sont très vivants à l’époque moderne. En témoignent des figures historiques marquantes comme Henri de Valois – roi élu de Pologne puis Henri III de France, Louise Marie de Gonzague – princesse nivernaise devenue reine de Pologne, Marie Casimire de La Grange d’Arquien – épouse de Jean III Sobieski, ou encore Stanislas Leszczynski – éphémère souverain polonais fait duc de Lorraine et de Bar. De nombreux Français ont écrit sur la Pologne, tout comme de nombreux Polonais se sont intéressés à la France. Voyageurs, diplomates, militaires, courtisans ou simples aventuriers ont parcouru les deux États, en laissant leurs témoignages à la postérité. Tous ces personnages viendront s’inviter et nous entretenir sur les pages de ce site.

Ces échanges ont été à la source de pensées politiques diverses. À l’aube des temps modernes, la France et la Pologne choisissent deux voies institutionnelles bien différentes. En France, s’impose un modèle centralisateur et absolu du pouvoir monarchique. La Pologne, en revanche, choisit la voie des privilèges, des libertés nobiliaires et d’un contrôle du pouvoir royal par les lois et des institutions représentatives régulières (sénat, diétines, diètes). Le contraste suscite la réflexion, qui sera présentée et prolongée à travers ce blog.

France-Pologne : la confrontation de deux mondes et de deux cultures politiques

Pour illustrer ce thème, fixons un instant notre regard sur le tableau qui se trouve sur la couverture de mon livre : L’Ambassade polonaise auprès d’Henri de Valois de Teodor Axentowicz (vers 1910, Musée national de Varsovie).

Teodor Axentowicz, Ambassade polonaise auprès d'Henri de Valois, vers 1910, Musée national de Varsovie
Teodor Axentowicz, Ambassade polonaise auprès d’Henri de Valois, vers 1910, Musée national de Varsovie.

La biographie de l’artiste mérite quelque attention. Né le 13 mai 1859 à Brasov en Transylvanie, Teodor Axentowicz vient d’une famille nobiliaire d’Arméniens polonais. En 1893 à Londres, il épouse Iza Giełgud, issue d’une famille aristocratique lituanienne. Les deux décèdent à Cracovie (l’un en 1938, l’autre en 1957), où le peintre achève sa carrière en tant qu’artiste et professeur à l’Académie des Beaux-Arts. Cet aspect de la vie du peintre illustre l’héritage de la République polono-lituanienne moderne, qui a su unir et intégrer divers peuples en un seul et même État.

Notons également que le peintre a des liens avec la France. Après des études à Munich, il passe quelques années à Paris, où il fréquente l’Hôtel Lambert, centre de l’émigration polonaise de l’époque. Il étudie à l’atelier du portraitiste français Charles Émile Auguste Durand dit Carolus-Duran, et fait des illustrations pour Le Monde Illustré, L’Illustration et le Figaro[1].

Teodor Axentowicz est principalement connu pour ses portraits, mais aussi pour ses œuvres historiques. L’Ambassade polonaise auprès d’Henri de Valois est l’une d’entre elles. L’événement qui y est représenté est tout à fait fondamental pour les problématiques qui nous intéressent. C’est l’élection d’Henri de Valois au trône de Pologne en 1573 qui fonde des relations durables entre la France et la Pologne.

L’élection d’Henri de Valois : au commencement des relations franco-polonaises

Henri est élu en mai 1573. Une délégation polonaise vient le chercher à Paris pour lui remettre le décret électoral. Elle fait son entrée en août 1573. En février 1574, Henri rejoint son nouveau royaume, mais il n’y reste que quelques mois. Le décès de Charles IX le porte sur le trône des Valois. Henri quitte précipitamment la Pologne contre l’avis des sénateurs. Alors qu’il est sacré roi de France en 1575, il est déposé par la diète polono-lituanienne la même année.  Étienne Báthory le remplace en 1576.

Les négociations pré-électorales et le court règne d’Henri en Pologne ont été une suite d’antagonismes, de malentendus et de contradictions, révélant des cultures et des pratiques de pouvoir différentes. C’est cette confrontation que Teodor Axentowicz dépeint dans son tableau. Il l’exprime par des formes extérieures. Les costumes polonais, au style oriental et plein de couleurs, contraste avec la sobriété du style espagnol des vêtements français. De même, la vivacité des gestes des députés sarmates s’oppose à la retenue et à la sérénité des représentants de la cour des Valois[2]. La délégation polono-lituanienne apporte de l’exotisme dans la capitale française. Le tableau de l’Arménien polonais illustre parfaitement le témoignage d’Auguste de Thou, qui décrit ainsi l’entrée de l’ambassade :

« Toute la ville accourut à ce spectacle. L’âge, le sexe, le mauvais état même de la santé, n’arrêtèrent personne. Les fenêtres qui se trouvaient sur leur passage en étaient pleines ; les toits mêmes en étaient si chargés, qu’il était à craindre qu’ils n’enfonçassent. Enfin, les rues regorgeaient, et ces nouveaux hôtes voyaient avec étonnement que l’affluence des spectateurs leur laissait à peine le passage libre. Les Parisiens, de leur côté, regardaient avec admiration ces hommes d’une taille avantageuse, leur noble fierté, accompagnée d’une gravité extraordinaire, ces longues barbes brillantes, ces bonnets ornés de fourrures précieuses et de pierreries, ces cimeterres, ces bottes garnies d’acier, ces carquois, ces arcs, ces têtes rasées par derrière et ces grands brodequins à galoches de fer. »[3]

Aussi, sur la toile d’Axentowicz, les Français apparaissent avant tout comme des observateurs de ces nobles sarmates, qui sont venus inviter un prince français dans leur lointain royaume. Acceptons nous aussi cette invitation et découvrons ensemble le monde des Sarmates et des Lys et leurs rapprochements successifs…

Pour aller plus loin…

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Découvrez également mon livre La République de Pologne dans le débat politique français (1573-1795).


[1] Paluch-Cybulska Małgorzata, « Teodor Axentowicz – twórca Młodej Polski », Muzeum Historii Polski, URL : https://muzhp.pl/pl/c/2250/teodor-axentowicz-tworca-mlodej-polski [consulté le 13.10.2022] ; Król Anna, Piyńska Iwona, « Teodor Axentowicz – Ormianin polski w Paryżu, Krakowie, Zakopanem… », Muzeum Regionalne w Stalowej Woli, URL : http://muzeum.stalowawola.pl/index.php?option=com_k2&view=item&id=1308:teodor-axentowicz-%E2%80%93-ormianin-polski-w-pary%C5%BCu-w-krakowie-w-zakopanem [consulté le 13.10.2022]

[2] Voir la vidéo de présentation de cette oeuvre artistique, proposée par le Musée National de Varsovie : « Polska. Siła obrazu » w PJM / Teodor Axentowicz, „Poselstwo polskie u Henryka Walezjusza », ok. 1910 », Muzeum Narodowe w Warszawie, URL : https://www.youtube.com/watch?v=ODVAafXOyFw [consulté le 13.10.2022]

[3] Cité d’après : E.H.V. Noailles, Henri de Valois et la Pologne en 1572, Paris, Lévy frères, 1867, t. II, p. 354.

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