élection d'Henri de Valois comme roi de Pologne

L’élection d’Henri de Valois au trône de Pologne, d’après Jean Choisnin

Jean Choisnin (né en 1530) fut l’un des témoins privilégiés de l’élection d’Henri de Valois en tant que roi de Pologne en avril-mai 1573. Voici son témoignage.

Jean Choisnin, secrétaire de l’ambassade électorale française

Jean Choisnin était un fidèle serviteur de la reine de Navarre puis de Catherine de Médicis. À cette occasion, il accompagna Jean de Montluc, évêque de Valence, dans diverses entreprises. Lorsque ce dernier fut nommé ambassadeur extraordinaire pour mener la campagne électorale d’Henri de Valois en Pologne, Jean Choisnin devint son principal secrétaire. La mission se termina par un succès : la diète proclama Henri de Valois roi de Pologne en mai 1573.

À son retour en France, Jean Choisnin publia les Mémoires ou Discours au vray de tout ce qui s’est faict et passé pour l’entière négociation de l’élection du roy de Polongne. L’éditeur Nicolas Chesneau les imprima pour la première fois en 1574 à Paris. Le roi de France, Charles IX, commanda lui-même cet ouvrage pour réfuter les accusations de corruption et de violence portées contre l’ambassade française par les Habsbourg et les milieux protestants. Ce texte constitue l’une des principales sources en français sur l’élection de 1573.

Les Mémoires de Jean Choisnin sur l'élection d'Henri de Valois, roi de Pologne.

L’ordre tenu pour l’élection d’Henri de Valois en Pologne

Voici comment le diplomate français décrit l’ordre tenu pour procéder à l’élection :


« Avant que passer plus outre, je toucherai un mot de trois points qui sont de quelque importance : le premier est du nombre de la noblesse qui se trouva à ladite élection ; le second, comment et en quel lieu elle fut logée ; le troisième de l’ordre qui fut gardé pour procéder à ladite élection.

Quant au premier, l’on ne pensait pas que le nombre dût être moindre que de deux cent mille gentilshommes, parce que depuis deux cents ans il ne s’était offert une telle occasion, d’autant que les rois avaient été élus de père en fils ; mais l’hiver avait été si grand et finit si tard, que ceux qui étaient de lointains pays n’y sçurent venir, et ne pense que le nombre ai été plus grand que trente mille, excepté les Mazovites, qui étaient sur leur fumier, parfois regorgeaient jusqu’au nombre de huit ou dix mille.

Quant au logis, l’archevêque, l’évêque, les palatins et castellans, et la plupart des capitaines étaient logés dans la ville ; et outre de ce leur été baillé un quartier, à une, deux ou trois lieues de-là, et non plus loin, contenant huit ou dix villages pour loger la noblesse de leur palatinat : et si quelquefois les palatins couchaient en la ville, ils se retiraient de grand matin en leur quartier, pour venir en plus grande pompe au lieu qui était désigné pour le conseil, et faisait beau voir tous les matins quarante ou cinquante mille chevaux en campagne, et d’autant plus que chacun marchait avec les siens en tel ordre comme s’il eût voulu faire une procession ecclésiastique.

Le lieu du conseil était à une grande lieue de la ville en pleine campagne, où il y avait une douzaine de grands pavillons tendus pour recevoir et mettre à couvert, quand besoin était, la noblesse et les ambassadeurs ; il y avait aussi une grande tente ronde, soutenue par un seul mât, qui était capable de recevoir cinq à six mille personnes, sans qu’aucun d’eux fût plus près du mât que de vingt pas ; et laissait-on cette grande place vide afin qu’il y eût plus de silence. L’archevêque et les évêques étaient assis, et puis les palatins et castellans selon leur ordre ; tellement que le premier rang environnait tout le rond de ladite tente, gardant la proportion, et ainsi du second rang au tiers, et du tiers au quart. Là se trouvait tous les jours l’ordre ecclésiastique, les palatins, castellans et capitaines et ambassadeurs terrestres, qui étaient huit de chacun palatinat, pour rapporter tous les soirs à leur noblesse, chacun en son quartier, ce qu’avait été fait ce jour-là. Tout autre gentilhomme pollac selon sa liberté y pouvait aussi venir, tellement qu’il y avait tous les jours une belle et grande compagnie.

Je dirai en passant une chose qui semblera étrange : c’est que cent mille chevaux ont demeuré aux environs de Varsovie six semaines, sans qu’ils soient été plus loin de trois lieues : et toutefois n’y a jamais eu faute de foin, d’avoine, de pain, de chair, de poisson, ni de vin aussi. Je dirai de plus, que parmi une si grande compagnie n’a été entendu un mutinement ni une seule querelle, et si n’y avait pas faute d’inimitiés entretenues de longue main.

L’ordre qu’on pensait tenir pour l’élection était tel que les ambassadeurs devaient être ouïs, et en même instant chacun d’eux devait bailler trente-deux exemplaires de son oraison ; desquels chaque palatin en prendrait un pour le communiquer à sa noblesse. Et puis, pour le jour de l’élection, il était ordonné que les palatins se retireraient en leurs quartiers, et là proposeraient à la noblesse de leur palatinat les compétiteurs, afin que les raisons entendues, tant d’un côté que d’autre, chacun en pût dire son opinion ; et les voix, recueillies et closes avec le scel public du palatin, devaient être rapportées au sénat, lequel, après avoir vu l’opinion de la noblesse, en cas qu’ils n’eussent point été d’accord, ou que leur opinion fût sans raison et sans fondement, devait leur remontrer les raisons par lesquelles ils ne devaient persister : mais il ne fut pas besoin de tant de cérémonies, comme sera dit ci-après. »
Jean Choisnin, « Mémoires ou Discours au vray de tout ce qui s’est faict et passé pour l’entière négociation de l’élection du roy de Polongne » in M. Petitot, Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, t. XXXVIII, Paris, Foucault, Librairie, rue de Sorbonne, n°9, 1823, p. 119-121.
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La suite des Mémoires… offre plus de détails sur la réalisation de la procédure électorale et sur les luttes politiques entre les partis rivaux. Pour en apprendre davantage, je vous invite à découvrir l’intégralité de l’ouvrage, disponible en ligne sur Gallica.

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En savoir plus sur la réception de l’élection de 1573 en France, grâce au chapitre 1 de mon livre (p. 27-78) : à découvrir en cliquant ici et à commander en cliquant .

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